Thomas Gauthey (2015)
L’éléphant en Inde et en Afrique dans les écrits de voyage occidentaux, du XIIIe au début du XVIe siècle
Reinardus, 27:112-129.
Le sens du mot “éléphant” ne semble, a priori, guère problématique pour
les clercs médiévaux. Pourtant, jusqu’au début du XIIIème siècle, la
réalité qu’il recouvre n’est connue que par des héritages antiques et le
passage d’un unique éléphant dans la ménagerie de Charlemagne. La paix
mongole et l’ouverture de la route de l’Inde permettent l’essor d’une
littérature qui lui laisse une part majeure: la littérature de voyage.
L’éléphant est d’une certaine manière une incarnation animalière de la
démesure orientale, comme le sous-entend le vocabulaire emphatique qui
lui est associé; certains auteurs se montrent ainsi particulièrement
admiratifs de cet animal, qualifié de “mirabile” par Jordan Catala de
Séverac, qui sert à la fois d’instrument militaire et de force de
travail. Mais l’animal, si singulier, est difficile à décrire, surtout à
un public qui n’en a vraisemblablement jamais vu. Il convient de
relever, également, l’importance que revêt la couleur de l’animal et
surtout le fait qu’il est décrit à la fois comme un animal domestique et
sauvage. Ces écrits, de fait, précisent les connaissances scientifiques
rapportées depuis l’Antiquité, et même les infirment: l’éléphant cesse
d’être considéré comme exclusivement asiatique (ce qui était le cas
depuis Isidore de Séville), on rapporte que ses pattes sont bel et bien
flexibles (alors que le Physiologus affirmait le contraire), et, enfin,
la chasteté exemplaire qui lui était prêté dans les écrits
paléochrétiens est mise à mal par les récits de capture de l’animal.
[Source: https://benjamins.com/#catalog/journals/rein/main]